samedi 14 juillet 2018
mardi 10 juillet 2018
Les Yeux des pauvres (procédés narratifs)
LES YEUX DES PAUVRES
Ah ! vous voulez savoir pourquoi je vous hais aujourd’hui. Il vous
sera sans doute moins facile de le comprendre qu’à moi de vous
l’expliquer ; car vous êtes, je crois, le plus bel exemple
d’imperméabilité féminine qui se puisse rencontrer.
Nous avions passé ensemble une longue journée qui m’avait paru
courte. Nous nous étions bien promis que toutes nos pensées nous
seraient communes à l’un et à l’autre, et que nos deux âmes désormais
n’en feraient plus qu’une ; — un rêve qui n’a rien d’original, après
tout, si ce n’est que, rêvé par tous les hommes, il n’a été réalisé par
aucun.
Le soir, un peu fatiguée, vous voulûtes vous asseoir devant un café
neuf qui formait le coin d’un boulevard neuf, encore tout plein de
gravois (1) et montrant déjà glorieusement ses splendeurs inachevées. Le
café étincelait. Le gaz lui-même y déployait toute l’ardeur d’un début,
et éclairait de toutes ses forces les murs aveuglants de blancheur, les
nappes éblouissantes des miroirs, les ors des baguettes et des
corniches, les pages aux
joues rebondies traînés par les chiens en laisse, les dames riant au
faucon perché sur leur poing, les nymphes et les déesses portant sur
leur tête des fruits, des pâtés et du gibier, les Hébés (2) et les Ganymèdes
(3) présentant à bras tendu la petite amphore (4) à bavaroises (5) ou l’obélisque
bicolore des glaces panachées ; toute l’histoire et toute la mythologie
mises au service de la goinfrerie.
Droit devant nous, sur la chaussée, était planté un brave homme d’une
quarantaine d’années, au visage fatigué, à la barbe grisonnante, tenant
d’une main un petit garçon et portant sur l’autre bras un petit être
trop faible pour marcher. Il remplissait l’office de bonne et faisait
prendre à ses enfants l’air du soir. Tous en guenilles. Ces trois
visages étaient extraordinairement sérieux, et ces six yeux
contemplaient fixement le café nouveau avec une admiration égale, mais
nuancée diversement par l’âge.
Les yeux du père disaient : « Que c’est beau ! que c’est beau ! on
dirait que tout l’or du pauvre monde est venu se porter sur ces murs. » —
Les yeux du petit garçon : « Que c’est beau ! que c’est beau ! mais
c’est une maison où peuvent seuls entrer les gens qui ne sont pas comme
nous. » — Quant aux yeux du plus petit, ils étaient trop fascinés pour
exprimer autre chose qu’une joie stupide et profonde.
Les chansonniers disent que le plaisir rend l’âme bonne et amollit le
cœur. La chanson avait raison ce soir-là, relativement à moi.
Non-seulement j’étais attendri
par cette famille d’yeux, mais je me sentais un peu honteux de nos
verres et de nos carafes, plus grands que notre soif. Je tournais mes
regards vers les vôtres, cher amour, pour y lire ma pensée ; je
plongeais dans vos yeux si beaux et si bizarrement doux, dans vos yeux
verts, habités par le Caprice et inspirés par la Lune, quand vous me
dites : « Ces gens-là me sont insupportables avec leurs yeux ouverts
comme des portes cochères ! Ne pourriez-vous pas prier le maître du café
de les éloigner d’ici ? »
Tant il est difficile de s’entendre, mon cher ange, et tant la pensée est incommunicable, même entre gens qui s’aiment !
1. Gravois : débris de construction ou de démolition.
2. Hébé : déesse de la jeunesse.
2. Hébé : déesse de la jeunesse.
3. Ganymède : échanson (serviteur chargé de servir à boire) de Zeus (Jupiter).
4. Bavaroise : boisson.
Baudelaire, "Les yeux des pauvres", Le Spleen de Paris.
Répondez aux questions suivantes en justifiant vos réponses :
4. Bavaroise : boisson.
Baudelaire, "Les yeux des pauvres", Le Spleen de Paris.
Répondez aux questions suivantes en justifiant vos réponses :
1) Ce récit comporte-t-il une scène, une description, un sommaire, une ellipse ?
2) Trouve-t-on des indices d'énonciation ? Si oui, lesquels ?
3) Y a-t-il du monologue intérieur et du dialogue ? Si oui, dans quel style sont-ils rapportés ?
4) Le narrateur est-il présent ou absent (dans l'histoire et/ou dans le texte) ?
5) Quel est le point de vue ?
dimanche 8 juillet 2018
Un poème de Michaux
LA SIMPLICITÉ
Ce qui a manqué surtout à ma vie jusqu’à présent,
c’est la simplicité. Je commence à changer petit à petit.
Par exemple, maintenant, je sors toujours avec mon
lit, et quand une femme me plaît, je la prends et couche avec aussitôt.
Si ses oreilles sont laides et grandes ou son nez, je
les lui enlève avec ses vêtements et les mets sous le lit, qu’elle retrouve en
partant ; je ne garde que ce qui me plaît.
Si ses dessous gagneraient à être changés, je les
change aussitôt. Ce sera mon cadeau. Si cependant je vois une autre femme plus
plaisante qui passe, je m’excuse auprès de la première et la fais disparaître
immédiatement.
Des personnes qui me connaissent prétendent que je ne
suis pas capable de faire ce que je dis là, que je n’ai pas assez de
tempérament. Je le croyais aussi, mais cela venait de ce que je ne faisais pas
tout comme il me plaisait.
Maintenant j’ai toujours de bonnes après-midi. (Le
matin, je travaille.)
Henri Michaux, La Nuit remue
1) Quel effet vous fait ce poème?
2) A votre avis, pourquoi ce poème vous fait-il cet effet?
3) Que nous dit ce poème à propos du désir en général?
4) Quels sont les registres de ce poème?
5) Pourquoi le poème porte-t-il ce titre?
mercredi 4 juillet 2018
exercice d'argumentation
Faut-il faire des enfants ?
Cherchez des arguments pour répondre oui puis pour répondre non.
Attention : un argument est une proposition simple ou un raisonnement.
Exemple de proposition simple : Avoir des enfants est un bonheur.
Exemple de raisonnement : Mes parents ont fait des enfants, or je dois faire comme mes parents, donc je dois faire des enfants.
Cherchez des arguments pour répondre oui puis pour répondre non.
Attention : un argument est une proposition simple ou un raisonnement.
Exemple de proposition simple : Avoir des enfants est un bonheur.
Exemple de raisonnement : Mes parents ont fait des enfants, or je dois faire comme mes parents, donc je dois faire des enfants.
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