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Objet d'étude : Le roman et ses personnages : visions de l'homme et du monde.
Textes : 
Texte A : Flaubert, L'Éducation sentimentale, 1869.
Texte B : Zola, L'Assommoir, 1877.
Texte C : Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932.
Texte D : Jean-Marie Gustave Le Clézio, Désert, 1980.


Texte A : Flaubert, L'Éducation sentimentale.

[Frédéric Moreau, jeune provincial étudiant à Paris, est épris de Mme Arnoux, épouse d'un marchand d'œuvres d'art. De la place qu'il occupe dans la diligence qui le ramène à Paris après une longue absence, il regarde défiler la ville..]

On descendit le boulevard au grand trot, les palonniers1 battants, les traits2 flottants. La mèche du long fouet claquait dans l'air humide. Le conducteur lançait son cri sonore : « Allume ! allume ! ohé ! », et les balayeurs se rangeaient, les piétons sautaient en arrière, la boue jaillissait contre les vasistas, on croisait des tombereaux3, des cabriolets, des omnibus. Enfin la grille du Jardin des Plantes se déploya.

La Seine, jaunâtre, touchait presque au tablier4 des ponts. Une fraîcheur s'en exhalait. Frédéric l'aspira de toutes ses forces, savourant ce bon air de Paris qui semble contenir des effluves amoureux et des émanations intellectuelles ; il eut un attendrissement en apercevant le premier fiacre. Et il aimait jusqu'au seuil des marchands de vin garni de paille, jusqu'aux décrotteurs avec leurs boîtes, jusqu'aux garçons épiciers secouant leur brûloir à café. Des femmes trottinaient sous des parapluies ; il se penchait pour distinguer leur figure ; un hasard pouvait avoir fait sortir Mme Arnoux.

Les boutiques défilaient, la foule augmentait, le bruit devenait plus fort. Après le quai Saint-Bernard, le quai de la Tournelle et le quai Montebello, on prit le quai Napoléon ; il voulut voir ses fenêtres, elles étaient loin. Puis on repassa la Seine sur le Pont-Neuf, on descendit jusqu'au Louvre ; et, par les rues Saint-Honoré, Croix des-Petits-Champs et du Bouloi, on atteignit la rue Coq-Héron, et l'on entra dans la cour de l'hôtel.

Pour faire durer son plaisir, Frédéric s'habilla le plus lentement possible, et même il se rendit à pied au boulevard Montmartre ; il souriait à l'idée de revoir, tout à l'heure, sur la plaque de marbre, le nom chéri.
1. palonniers : pièce mobile sur laquelle on fixe les rênes dans un attelage.
2. traits : partie du harnais qui sert à tirer un véhicule.
3. tombereaux : charrette entourée de planches servant à porter du sable, des pierres...
4. tablier : désigne la plate-forme qui constitue le plancher d'un pont.


Texte B : Zola, L'Assommoir.

[Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n'est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre.]

L'hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C'était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu'au second, avec des persiennes pourries par la pluie. Au-dessus d'une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncœur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d'avenue, s'arrêtant presque en face d'elle, à la masse blanche de l'hôpital de Lariboisière, alors en construction. Lentement, d'un bout à l'autre de l'horizon, elle suivait le mur de l'octroi, derrière lequel, la nuit, elle entendait parfois des cris d'assassinés ; et elle fouillait les angles écartés, les coins sombres, noirs d'humidité et d'ordure, avec la peur d'y découvrir le corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau. Quand elle levait les yeux, au-delà de cette muraille grise et interminable qui entourait la ville d'une bande de désert, elle apercevait une grande lueur, une poussière de soleil, pleine déjà du grondement matinal de Paris. Mais c'était toujours à la barrière Poissonnière qu'elle revenait, le cou tendu, s'étourdissant à voir couler, entre les deux pavillons trapus de l'octroi, le flot ininterrompu d'hommes, de bêtes, de charrettes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d'ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras ; et la cohue s'engouffrait dans Paris où elle se noyait, continuellement. Lorsque Gervaise, parmi tout ce monde, croyait reconnaître Lantier, elle se penchait davantage, au risque de tomber ; puis, elle appuyait plus fortement son mouchoir sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur.
1. octroi : administration et bâtiment où se payait la taxe d'entrée de certaines denrées.

Texte C : Céline, Voyage au bout de la nuit.

 [Après avoir participé à la première guerre mondiale et avoir émigré en Afrique, Bardamu travaille à New York.]

Comme si j'avais su où j'allais, j'ai eu l'air de choisir encore et j'ai changé de route, j'ai pris sur ma droite une autre rue, mieux éclairée, « Broadway1» qu'elle s'appelait. Le nom je l'ai lu sur une plaque. Bien au-dessus des derniers étages, en haut, restait du jour avec des mouettes et des morceaux du ciel. Nous, on avançait dans la lueur d'en bas, malade comme celle de la forêt et si grise que la rue en était pleine comme un gros mélange de coton sale.

C'était comme une plaie triste la rue qui n'en finissait plus, avec nous au fond, nous autres, d'un bord à l'autre, d'une peine à l'autre, vers le bout qu'on ne voit jamais, le bout de toutes les rues du monde. Les voitures ne passaient pas, rien que des gens et des gens encore. C'était le quartier précieux, qu'on m'a expliqué plus tard, le quartier pour l'or : Manhattan. On n'y entre qu'à pied, comme à l'église. C'est le beau cœur en Banque du monde d'aujourd'hui. Il y en a pourtant qui crachent par terre en passant. Faut être osé. C'est un quartier qu'en est rempli d'or, un vrai miracle, et même qu'on peut l'entendre le miracle à travers les portes avec son bruit de dollars qu'on froisse, lui toujours trop léger, le Dollar, un vrai Saint-Esprit2, plus précieux que du sang. J'ai eu tout de même le temps d'aller les voir et même je suis entré pour leur parler à ces employés qui gardaient les espèces. Ils sont tristes et mal payés. Quand les fidèles entrent dans leur Banque, faut pas croire qu'ils peuvent se servir comme ça selon leur caprice. Pas du tout. lls parlent à Dollar en lui murmurant des choses à travers un petit grillage, ils se confessent quoi. Pas beaucoup de bruit, des lampes bien douces, un tout minuscule guichet entre de hautes arches, c'est tout.
1. Broadway est un des principaux axes nord-sud de Manhattan, le quartier central de New York.
2. Le Saint-Esprit (ou Esprit-Saint) est, pour les chrétiens, l'Esprit de Dieu.


Texte D : J.M.G. Le Clézio : Désert.

  [Lalla, née dans le désert, a vécu une enfance heureuse dans le bidonville d'une grande cité marocaine.
 Adolescente, elle est obligée de fuir et se rend à Marseille. Elle y découvre la misère et la faim, " la vie chez les esclaves ".]

Lalla continue à marcher, en respirant avec peine. La sueur coule toujours sur son front, le long de son dos, mouille ses reins, pique ses aisselles. Il n'y a personne dans les rues à cette heure-là, seulement quelques chiens au poil hérissé, qui rongent leurs os en grognant. Les fenêtres au ras du sol sont fermées par des grillages, des barreaux. Plus haut, les volets sont tirés, les maisons semblent abandonnées. Il y a un froid de mort qui sort des bouches des soupirails, des caves, des fenêtres noires. C'est comme une haleine de mort qui souffle le long des rues, qui emplit les recoins pourris au bas des murs. Où aller ? Lalla avance lentement de nouveau, elle tourne encore une fois à droite, vers le mur de la vieille maison. Lalla a toujours un peu peur, quand elle voit ces grandes fenêtres garnies de barreaux, parce qu'elle croit que c'est une prison où les gens sont morts autrefois ; on dit même que la nuit, parfois, on entend les gémissements des prisonniers derrière les barreaux des fenêtres. Elle descend maintenant le long de la rue des Pistoles, toujours déserte, et par la traverse de la Charité, pour voir, à travers le portail de pierre grise, l'étrange dôme rose qu'elle aime bien. Certains jours elle s'assoit sur le seuil d'une maison, et elle reste là à regarder très longtemps le dôme qui ressemble à un nuage, et elle oublie tout, jusqu'à ce qu'une femme vienne lui demander ce qu'elle fait là et l'oblige à s'en aller.

Mais aujourd'hui, même le dôme rose lui fait peur, comme s'il y avait une menace derrière ses fenêtres étroites, ou comme si c'était un tombeau. Sans se retourner, elle s'en va vite, elle redescend vers la mer, le long des rues silencieuses.

 I - Après avoir lu tous les textes du corpus, vous répondrez aux deux questions suivantes (6 points) :
1. Ces quatre descriptions mettent-elles en valeur les mêmes aspects de la ville ? Justifiez votre réponse. (3 points)
2. Quels sentiments des personnages ces descriptions reflètent-elles ? (3 points)

II. Vous traiterez ensuite, au choix, l'un des sujets suivants (14 points) :

·       Commentaire
Faites le commentaire du texte de Le Clézio (document D) en vous aidant du parcours de lecture suivant :

- Montrez comment se met en place la description de la « vieille ville » et ses caractéristiques.
- Analysez comment se traduit le sentiment de malaise et de peur qu'elle inspire à Lalla.

·       Dissertation
Les écrivains proposent souvent des descriptions de lieux très précises dans leurs romans. Certains lecteurs ont le sentiment que ces descriptions sont inutiles ; d'autres, en revanche, considèrent qu'elles jouent un rôle essentiel. En vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres étudiées en classe et vos lectures personnelles, explicitez et justifiez ces deux points de vue.

·       Invention
Lantier, attendu par Gervaise, revient d'une nuit de festivités qui le conduit à porter un regard sur la ville tout à fait opposé à celui de sa compagne. Décrivez de son point de vue le spectacle de la ville et du mouvement de la foule au petit matin, en vous efforçant d'en faire ressortir le charme et la poésie.

Votre texte sera essentiellement descriptif et mettra en valeur les sensations et les sentiments du personnage , vous conserverez le niveau de langue utilisé par Zola (texte B).


Objet d'étude : le roman et ses personnages.
Textes : 
Texte A : STENDHAL, Le Rouge et le Noir, livre premier, chapitre XIII, 1830.
Texte B : Alexandre DUMAS, Les Trois Mousquetaires, chapitre 52, 1844.
Texte C : Victor HUGO, Les Misérables, 2ème partie, livre troisième, 1862.



Texte A : STENDHAL, Le Rouge et le Noir, livre premier, chapitre XIII, 1830.

[Julien, homme du peuple, est précepteur chez M. et Mme de Rênal . Un soir il a l'audace de prendre la main de Mme de Rênal , qui finalement se laisse faire. Quelques jours plus tard, lors d'un repas au jardin avec son amie Mme Derville, c'est elle qui cherche la main de Julien.]

Certaine de l'affection de Julien, peut-être sa vertu eût trouvé des forces contre lui. Tremblante de le perdre à jamais, sa passion l'égara jusqu'au point de reprendre la main de Julien, que, dans sa distraction, il avait laissée appuyée sur le dossier d'une chaise. Cette action réveilla ce jeune ambitieux : il eût voulu qu'elle eût pour témoins tous ces nobles si fiers qui, à table, lorsqu'il était au bas bout avec les enfants, le regardaient avec un sourire si protecteur. Cette femme ne peut plus me mépriser : dans ce cas, se dit-il, je dois être sensible à sa beauté ; je me dois à moi-même d'être son amant. Une telle idée ne lui fût pas venue avant les confidences naïves faites par son ami.

La détermination subite qu'il venait de prendre forma une distraction agréable. Il se disait : II faut que j'aie une de ces deux femmes; il s'aperçut qu'il aurait beaucoup mieux aimé faire la cour à madame Derville ; ce n'est pas qu'elle fût plus agréable, mais toujours elle l'avait vu précepteur honoré pour sa science, et non pas ouvrier charpentier, avec une veste de ratine1 pliée sous le bras, comme il était apparu à madame de Rênal .

C'était précisément comme jeune ouvrier, rougissant jusqu'au blanc des yeux, arrêté à la porte de la maison et n'osant sonner, que madame de Rênal se le figurait avec le plus de charme.

En poursuivant la revue de sa position, Julien vit qu'il ne fallait pas songer à la conquête de madame Derville, qui s'apercevait probablement du goût que madame de Rênal montrait pour lui. Forcé de revenir à celle-ci : Que connais-je du caractère de cette femme ? se dit Julien. Seulement ceci : avant mon voyage, je lui prenais la main, elle la retirait ; aujourd'hui je retire ma main, elle la saisit et la serre. Belle occasion de lui rendre tous les mépris qu'elle a eus pour moi. Dieu sait combien elle a eu d'amants ! elle ne se décide peut-être en ma faveur qu'à cause de la facilité des entrevues.

Tel est hélas ! le malheur d'une excessive civilisation ! A vingt ans, l'âme d'un jeune homme, s'il a quelque éducation, est à mille lieues du laisser-aller, sans lequel l'amour n'est souvent que le plus ennuyeux des devoirs.

Je me dois d'autant plus, continua la petite vanité de Julien, de réussir auprès de cette femme, que si jamais je fais fortune, et que quelqu'un me reproche le bas emploi de précepteur, je pourrai faire entendre que l'amour m'avait jeté à cette place.



1. Ratine : étoffe de laine dont le poil est tiré et frisé.



Texte B : Alexandre DUMAS, Les Trois Mousquetaires, chapitre 52, 1844.

[Chargée par le cardinal de Richelieu d'empoisonner le duc de Buckingham, amant de la reine, Milady, figure d'ange démoniaque, vient d'être arrêtée et emprisonnée.]

Que de haine elle distille ! Là, immobile, et les yeux ardents et fixes dans son appartement désert, comme les éclats de ses rugissements sourds, qui parfois s'échappent avec sa respiration du fond de sa poitrine, accompagnent bien le bruit de la houle qui monte, gronde, mugit et vient se briser, comme un désespoir éternel et impuissant, contre les rochers sur lesquels est bâti ce château sombre et orgueilleux ! Comme, à la lueur des éclairs que sa colère orageuse fait briller dans son esprit, elle conçoit contre Mme Bonacieux1, contre Buckingham, et surtout contre d'Artagnan, de magnifiques projets de vengeance, perdus dans les lointains de l'avenir !

Oui, mais pour se venger il faut être libre, et pour être libre, quand on est prisonnier il faut percer un mur, desceller des barreaux, trouer un plancher ; toutes entreprises que peut mener à bout un homme patient et fort mais devant lesquelles doivent échouer les irritations fébriles d'une femme. D'ailleurs, pour faire tout cela, il faut avoir le temps, des mois, des années, et elle... elle a dix ou douze jours, à ce que lui a dit lord de Winter, son fraternel et terrible geôlier2.

Cependant, si elle était un homme, elle tenterait tout cela, et peut-être réussirait-elle : pourquoi donc le ciel s'est-il ainsi trompé, en mettant cette âme virile dans ce corps frêle et délicat !

Aussi les premiers moments de la captivité ont été terribles : quelques convulsions de rage qu'elle n'a pu vaincre ont payé sa dette de faiblesse féminine à la nature. Mais peu à peu elle a surmonté les éclats de sa folle colère, les frémissements nerveux qui ont agité son corps ont disparu, et maintenant elle s'est repliée sur elle-même comme un serpent fatigué qui se repose.

« Allons, allons ; j'étais folle de m'emporter ainsi, dit-elle en plongeant dans la glace, qui reflète dans ses yeux son regard brûlant, par lequel elle semble s'interroger elle-même. Pas de violence, la violence est une preuve de faiblesse. D'abord je n'ai jamais réussi par ce moyen : peut-être, si j'usais de ma force contre des femmes, aurais-je chance de les trouver plus faibles encore que moi, et par conséquent de les vaincre ; mais c'est contre ces hommes que je lutte, et je ne suis qu'une femme pour eux. Luttons en femme, ma force est dans ma faiblesse. »

Alors, comme pour se rendre compte à elle-même des changements qu'elle pouvait imposer à sa physionomie si expressive et si mobile, elle lui fit prendre à la fois toutes les expressions, depuis celle de la colère qui crispait ses traits, jusqu'à celle du plus doux, du plus affectueux et du plus séduisant sourire. Puis ses cheveux prirent successivement sous ses mains savantes les ondulations qu'elle crut pouvoir aider aux charmes de son visage. Enfin elle murmura, satisfaite d'elle-même :

« Allons, rien n'est perdu, je suis toujours belle. ».



1. Mme Bonacieux : femme de confiance de la reine.
2. Fraternel et terrible geôlier : Milady a assassiné son époux qui était le frère de Lord de Winter.



Texte C : Victor HUGO, Les Misérables, 2ème partie, livre troisième, 1862.

[Fantine, la mère de Cosette, a confié sa fille au couple Thénardier. Voici le portrait de madame Thénardier.]

On n'a encore aperçu dans ce livre les Thénardier que de profil ; le moment est venu de tourner autour de ce couple et de le regarder sous toutes ses faces.

Thénardier venait de dépasser ses cinquante ans ; madame Thénardier touchait à la quarantaine, qui est la cinquantaine de la femme ; de façon qu'il y avait équilibre d'âge entre la femme et le mari.

Les lecteurs ont peut-être, dès sa première apparition, conservé quelque souvenir de cette Thénardier grande, blonde, rouge, grasse, charnue, carrée, énorme et agile ; elle tenait, nous l'avons dit, de la race de ces sauvagesses colosses qui se cambrent dans les foires avec des pavés pendus à leur chevelure. Elle faisait tout dans le logis, les lits, les chambres, la lessive, la cuisine, la pluie, le beau temps, le diable. Elle avait pour tout domestique Cosette ; une souris au service d'un éléphant. Tout tremblait au son de sa voix, les vitres, les meubles et les gens. Son large visage, criblé de taches de rousseur, avait l'aspect d'une écumoire. Elle avait de la barbe. C'était l'idéal d'un fort de la halle1 habillé en fille. Elle jurait splendidement ; elle se vantait de casser une noix d'un coup de poing. Sans les romans qu'elle avait lus, et qui, par moments, faisaient bizarrement reparaître la mijaurée2 sous l'ogresse, jamais l'idée ne fût venue à personne de dire d'elle : c'est une femme. Cette Thénardier était comme le produit de la greffe d'une donzelle sur une poissarde3. Quand on l'entendait parler, on disait : c'est un gendarme ; quand on la regardait boire, on disait : c'est un charretier ; quand on la voyait manier Cosette, on disait : c'est le bourreau. Au repos, il lui sortait de la bouche une dent.



1. fort de la halle : homme d'une grande force physique qui portait les fardeaux dans les Halles de Paris.
2. mijaurée : femme ou jeune fille dont les manières sont excessives et ridicules.
3. poissarde ; marchande de la halle, au langage grossier.



I- Après avoir pris connaissance de l'ensemble des textes, vous répondrez d'abord à la question suivante (4 points) :

En quoi le personnage central de chacun de ces textes est-il rendu antipathique ? Vous justifierez votre réponse en vous appuyant sur quelques exemples précis.

II. Vous traiterez ensuite, au choix, l'un des sujets suivants (16 points) :

·       Commentaire

Vous ferez le commentaire de l'extrait des Trois mousquetaires, d'Alexandre Dumas (texte B). Vous pourriez, par exemple, montrer d’une part comment le narrateur révèle la vie intérieure du personnage et, d’autre part, comment il réussit à le rendre inquiétant.

·       Dissertation
Julien Sorel, Milady, la Thénardier : nombreux sont les personnages de roman qui n'inspirent pas de sympathie. Ce type de personnage n'a-t-il pour fonction que de susciter le rejet du lecteur ? Vous répondrez à cette question dans un développement composé en vous appuyant sur les textes du corpus, sur vos lectures personnelles, ainsi que sur les œuvres étudiées en classe.

·       Invention
Après le départ de Julien, Mme Derville s'approche de Mme de Rênal et la met en garde contre le jeune homme. Imaginez cet épisode.

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