Lisez cette nouvelle.
1) Indiquez les scènes, les flashbacks, les passages de monologue intérieur, une ellipse.
2) Le narrateur est-il présent dans l'histoire? dans le récit?
3) Découpez l'histoire en trois actes.
4) Quel est l'enjeu du héros?
1) Indiquez les scènes, les flashbacks, les passages de monologue intérieur, une ellipse.
2) Le narrateur est-il présent dans l'histoire? dans le récit?
3) Découpez l'histoire en trois actes.
4) Quel est l'enjeu du héros?
L'Arbre de Noël
1876
... Dans une grande ville, à la veille de Noël, par un froid vif, je
vois un jeune enfant, tout petit encore, de six ans, peut-être moins même, pas
assez grand pour qu’on le fasse déjà mendier, mais assez pour que dans un an ou
deux on l’y envoie assurément. Cet enfant se réveille un matin dans une cave
humide et froide. Il est enveloppé d’une sorte de méchante petite robe de chambre
et frissonne. Sa respiration sort en vapeur blanche : il est assis dans un
coin, sur une malle ; pour se désennuyer, il active exprès l’haleine de sa
bouche, et s’amuse à la voir s’échapper. Mais il a très-faim. Plusieurs fois
déjà depuis le matin il s’est approché du lit de planches recouvert d’une
paillasse mince comme un crêpe, où est couchée sa mère malade, la tête appuyée,
en guise d’oreiller, sur un paquet de hardes.
Comment est-elle là ? Elle sera venue probablement,
avec son enfant, d’une ville étrangère, et elle sera tombée malade. La
propriétaire du taudis a été, il y a deux jours, arrêtée et menée au
poste ; c’est fête ce jour-là, et les autres locataires sont sortis.
Cependant, un de ces porte-nippes est resté couché depuis vingt-quatre heures,
ivre-mort avant d’avoir attendu la fête. D’un autre coin sourdent les plaintes
d’une vieille de quatre-vingts ans, percluse de rhumatismes. Cette vieille a
été bonne d’enfant jadis, quelque part ; maintenant elle se meurt toute
seule, elle geint, gémit, grogne après le petit, qui commence à craindre
d’approcher du coin où elle râle. Il a bien trouvé à boire dans le corridor,
mais il n’a pu mettre la main sur le moindre croûton de pain, et, pour la
dixième fois, il vient réveiller sa mère. C’est qu’il finit par prendre peur en
cette obscurité ; la soirée est déjà avancée, et on n’allume pas de feu.
Il trouve à tâtons le visage de sa mère et s’étonne qu’elle ne bouge plus et
qu’elle soit devenue aussi froide que la muraille. « Il fait donc si
froid ! » pense-t-il. Il reste quelque temps sans bouger, la main sur
l’épaule de la morte, puis il se met à souffler dans ses doigts pour les
réchauffer, et, rencontrant sa petite calotte sur le lit, il cherche doucement
la porte et sort du sous-sol. Il serait sorti plus tôt s’il n’avait eu peur du
grand chien qui, là-haut, sur le palier, à la porte du voisin, aboie toute la
journée. Mais le chien n’est plus là, et voici l’enfant dans la rue. –
« Mon Dieu ! quelle ville ! Jamais encore il n’a vu rien de
pareil. Là-bas, d’où il vient, la nuit, il fait bien plus noir, il n’y a qu’une
lanterne pour toute la rue ; de petites maisons basses en bois, fermées
avec des volets ; dans la rue, dès qu’il fait noir, personne ; tout
le monde s’enferme chez soi ; seulement une foule de chiens qui hurlent,
des centaines, des milliers de chiens qui hurlent et aboient toute la nuit.
Mais en revanche, là-bas, il faisait si chaud ! et l’on donnait à manger.
Ici, mon Dieu ! comme ce serait bon de manger ! quel tapage, ici,
quel tonnerre ! quelle lumière et quel monde ! que de chevaux et de
voitures ! Et le froid, le froid ! Le corps des chevaux las fume
froid, et leurs naseaux brûlants soufflent blanc ; leurs fers sonnent sur
le pavé à travers la neige molle. Et comme tout le monde se bouscule !…
Mon Dieu ! que je voudrais manger ! un petit morceau de quelque
chose… Voilà que ça me fait mal aux doigts… »
*
* *
Un garde de paix vient de passer et a tourné la tête pour ne
pas voir l’enfant.
« Voilà encore une rue,… oh ! qu’elle est
large ! On va m’écraser ici, pour sûr ; Comme ils crient tous, comme
ils courent, comme ils roulent… et de la lumière, et de la lumière ! Et
ça, qu’est-ce que c’est ? Oh ! quel grand carreau ! Et derrière
le carreau, une chambre, et dans la chambre un arbre qui monte jusqu’au
plafond ; c’est l’arbre de Noël… et que de lumières sous l’arbre ! il
y en a, des papiers d’or et des pommes ! et tout autour des poupées, des
petits dadas. Il y a des petits enfants dans la chambre, bien habillés, tout
propres ; ils rient, ils jouent, ils mangent, ils boivent des choses.
Voilà une petite fille qui se met à danser avec le petit garçon : comme
elle est jolie, la petite fille ! voilà de la musique, on entend à travers
le verre… »
L’enfant regarde, admire, et il rit déjà ; il ne sent
plus de mal aux doigts ni aux pieds, les doigts de sa main sont devenus tout à
fait rouges, il ne peut plus les plier, et cela lui fait mal de les remuer…
mais voilà tout à coup qu’il sent qu’il a mal aux doigts : il pleure et
s’éloigne. Il aperçoit, à travers une autre vitre, une autre pièce et encore
des arbres et des gâteaux de toutes sortes sur la table, des amandes rouges,
jaunes. Quatre belles dames sont assises, et quand quelqu’un arrive, on lui
donne du gâteau ; et la porte s’ouvre à chaque instant, il entre beaucoup
de messieurs. Le petit s’est glissé, a ouvert tout à coup la porte et est
entré. Oh ! quel bruit on a fait en le voyant, quelle agitation !
Aussitôt une dame s’est levée, lui a mis un kopeck dans la main, et lui a
ouvert elle-même la porte de la rue. Comme il a eu peur !
*
* *
Le kopeck lui est tombé des mains et a résonné sur la marche
de l’escalier : il ne pouvait plus serrer ses petits doigts rouges assez
pour tenir la pièce. Il sortit en courant, l’enfant, et marcha vite, vite. Où
allait-il ? il ne savait pas. Il voudrait bien pleurer encore, mais il a
trop peur. Et il court, il court, il souffle dans ses mains. Et le chagrin le
prend : il se sent si seul, si effaré ! et soudain, mon Dieu !
qu’est-ce donc encore ? Une foule de gens qui se tiennent là et
admirent : « À une fenêtre, derrière le carreau, trois poupées,
jolies, habillées de riches petites robes rouges et jaunes, et tout à fait,
tout à fait comme si elles étaient vivantes ! Et ce petit vieux assis qui semble
jouer sur un violon. Il y en a aussi deux autres, debout, qui jouent sur de
petits, petits violons et remuent la tête en mesure. Ils se regardent l’un
l’autre, et leurs lèvres bougent : ils parlent vraiment ! Seulement
on ne les entend pas à travers le verre. » Et l’enfant pense d’abord
qu’ils sont vivants, et quand il comprend que ce sont des poupées, il se met à
rire. Jamais il n’a vu de pareilles poupées, et il ne savait pas qu’il y en
avait comme ça ! Et il voudrait pleurer, mais c’est si drôle, elles sont
si drôles, ces poupées !
*
* *
Tout à coup, il se sent saisi par son vêtement ; il y a
près de lui un grand méchant garçon qui lui assène un coup de poing sur la
tête, lui arrache sa calotte, et lui donne un croc-en-jambe.
Il tombe, l’enfant. En même temps, on crie ; il reste
un moment tout roide de frayeur, puis il se lève d’un bond et il court, court,
enfile une porte cochère, quelque part, et se cache dans une cour, derrière un
tas de bois : « Ici l’on ne me trouvera pas ; il fait sombre
ici. »
Il s’accroupit et se recroqueville ; dans sa frayeur,
il peut à peine respirer.
Et, subitement, il sent un bien-être : ses petites
mains et ses petits pieds ne lui font plus du tout mal, et il a chaud, chaud
comme près d’un poêle, et tout son corps tressaille. « Ah ! il va
s’endormir ! comme il fait bon dormir ici ! Je resterai ici un peu,
et puis j’irai encore voir les poupées », pensait le petit, et il sourit
au souvenir des poupées. « Tout à fait comme si elles étaient
vivantes !… »
Puis, voilà qu’il entend la chanson de sa mère.
« Maman, je dors… ah ! comme on est bien ici pour
dormir ! »
– Viens chez moi, petit garçon, voir l’arbre de Noël,
fit une voix douce.
Il pensa d’abord que c’était sa mère ; mais non, ce
n’était pas elle.
Qui donc l’appelle ? Il ne voit pas. Mais quelqu’un se
penche sur lui et l’enveloppe dans l’obscurité ; et lui, il tend la main
et… tout à coup… Oh ! quelle lumière ! Oh ! quel arbre de
Noël ! Non, ce n’est pas un arbre de Noël, il n’en a jamais vu de semblable !
Où se trouve-t-il maintenant ? Tout reluit, tout
rayonne, et des poupées tout autour ; mais non, pas des poupées, des
petits garçons, des petites filles, seulement ils sont bien brillants. Tous ils
tournent autour de lui, ils volent, ils l’embrassent, le prennent, l’emportent,
et lui-même s’envole. Et il voit sa mère le regarder et lui rire gaiement.
– Maman ! maman ! ah ! comme il fait bon
ici ! lui crie le petit. Et de nouveau il embrasse les enfants et il
voudrait bien leur raconter l’histoire des poupées derrière le carreau. Qui
êtes-vous, petites filles ? demande-t-il en riant et en les aimant.
C’est l’arbre de Noël à Jésus.
Chez Jésus, ce jour-là, il y a toujours un arbre de Noël
pour les petits enfants qui n’ont pas leur arbre à eux…
Et il apprit que tous ces petits garçons et toutes ces
petites filles étaient des enfants comme lui, les uns morts de froid dans les
corbeilles où on les a abandonnés à la porte des fonctionnaires de
Saint-Pétersbourg, les autres morts en nourrice dans les isbas sans air des
Tchaukhnas, quelques-uns morts de faim au sein tari de leur mère, pendant la
famine, d’autres empoisonnés par l’infection des wagons de troisième classe.
Tous sont ici maintenant, tous des petits anges maintenant, tous chez Jésus, et
Lui-même parmi eux, étendant sur eux les mains, les bénissant, eux et les
pécheresses leurs mères…
Et aussi les mères de ces enfants sont là, à l’écart, et pleurent ;
chacune reconnaît son fils ou sa fille, et les enfants volent vers elles, les
embrassent, essuient leurs larmes avec leurs petites mains, et les supplient de
ne pas pleurer, car ils se sentent si bien là…
Et en bas, le matin, le concierge a trouvé le petit cadavre
de l’enfant réfugié dans la cour, refroidi derrière la pile de bois. On a
trouvé aussi sa mère…
Elle
était morte avant lui ; tous les deux se sont revus dans les cieux, dans
la maison du Seigneur…
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