Document 1 :
Il y a quelques semaines, un Chinois du nom de Xu Xiaochun a tenu en
public des propos qui font froid dans le dos. Xu Xiaochun préside Boyalife,
une entreprise ayant investi 31 millions de dollars dans une usine à
Tianjin destinée à produire - par clonage - 100.000 embryons de
bœuf par an pour satisfaire la demande des Chinois en rosbif. « La
technologie existe déjà. Si le clonage humain est autorisé, je crois qu'aucune
autre entreprise ne sera mieux placée que Boyalife pour la mettre en œuvre »,
a déclaré M. Xu, qui ajoute : « Malheureusement, jusqu'à présent, la
seule façon d'avoir un enfant est de mélanger 50 % du patrimoine génétique
de la mère et 50 % de celui du père. Mais peut-être à l'avenir aurons-nous
trois choix au lieu d'un : soit 50-50, soit un enfant avec 100 % de gènes
de son papa, soit un enfant avec 100 % de gènes de sa maman. "
Vous frissonnez ?...
Pourtant, le tournant qui a rendu les déclarations de M. Xu possibles
est passé relativement inaperçu. En 2013, un généticien américain du nom de
Shoukhrat Mitalipov, de l'université de l'Oregon, a publié dans la revue «
Cell » le compte rendu de ses manipulations : il était parvenu à obtenir
par clonage un embryon humain qu'il a laissé se développer in vitro pendant une
demi-douzaine de jours (jusqu'au stade de blastocyste1) avant d'en
prélever des cellules souches. Son expérience a été réitérée avec succès
l'année suivante par deux autres équipes. L'une des « astuces » ayant permis ce
résultat a été de plonger l'ovule dans un bain de... caféine ! Cette substance
aurait en effet la propriété de bloquer le processus de division cellulaire
dans une phase favorable à la réussite du clonage.
Shoukhrat Mitalipov et ses suiveurs ont mis en avant le potentiel
thérapeutique de leur exploit. Ce clonage humain, arguent-ils, serait légitime
dans la mesure où les cellules souches embryonnaires ainsi obtenues constituent
l'une des armes les plus efficaces de la médecine moderne.
Nul ne sait avec certitude ce que seraient devenus ces embryons humains si
on les avait réimplantés chez une mère porteuse. Des fœtus au
développement anormal, condamnés à disparaître dans une fausse-couche, ou
porteurs de graves tares mentales et/ou physiques ? Ou bien - comme
Dolly - des nouveau-nés parfaitement « sains » et semblables à tous
les bébés du monde, à cela près qu'ils posséderaient le même
patrimoine génétique qu'un autre être humain sans pour autant avoir
partagé avec lui, à l'instar de deux jumeaux homozygotes, le même utérus ?
Malgré ces questions essentielles, malgré les déclarations glaçantes mais
non totalement infondées - la technologie existe bel et bien -
d'entrepreneurs chinois en mal de publicité, la communauté des généticiens
ne semble pas montrer grand intérêt pour les récentes expériences de Shoukhrat
Mitalipov et consorts.
Professeur au Collège de France, membre fondateur de l'institut des
maladies génétiques Imagine, Alain Fischer balaie la question d'un revers de
main. « Cette affaire est caduque depuis la mise au point des cellules iPS »,
lance-t-il. Développées à partir de 2006 par le Japonais Shinya Yamanaka
(récompensé par le prix Nobel de médecine en 2012), les cellules iPS2
ont révolutionné la thérapie cellulaire, jusqu'ici cantonnée aux cellules
souches embryonnaires. Maintenant qu'il existe une autre façon - plus
simple techniquement et de beaucoup préférable sur le plan éthique -
d'obtenir des cellules souches pluripotentes, pourquoi s'embêter à créer
des embryons par clonage ? D'autant que, comme le souligne le président du
comité d'éthique de l'Inserm, Hervé Chneiweiss, les embryons surnuméraires, ne
faisant pas ou plus l'objet d'un projet parental, ne manquent pas :
170.000 d'entre eux sont actuellement congelés en France, « ce qui
suffit largement à couvrir les besoins de la population en termes de besoin de
cellules souches embryonnaires ».
Pour l'éthicien en chef de l'Inserm, cependant, le véritable marché ciblé
par les partisans du clonage humain n'est pas celui des malades mais
celui, autrement plus vaste et « juteux », des femmes souhaitant avoir un
enfant à un âge avancé - par exemple lorsqu'elles se sont déjà assuré un
beau début de carrière. Avec les années, leurs ovocytes se dégradent, ce qui
les rend de moins en moins fertiles. Si elles n'ont pas trouvé de pères
potentiels quand elles sont encore en âge d'enfanter, elles pourraient
toujours, grâce à la technique de Shoukhrat Mitalipov, se faire prélever un
noyau puis, quelques années plus tard, le transférer dans l'ovocyte d'une femme
jeune.
C'est aussi l'avis d'Arnold Munnich, codirecteur de l'institut Imagine
avec Alain Fischer. Auteur d'un livre-manifeste, intitulé « Programmé mais
libre » (Plon), cet autre ponte de la thérapie génique n'a
pas de mots assez durs pour vilipender ses collègues œuvrant au
clonage de l'homme : « La grande masse des gens attend de nous que nous
guérissions leur enfant ou au moins que nous découvrions de quoi il souffre. Les élucubrations
des chercheurs de l'Oregon ne sont pas leur affaire. » Hélas,
cela pourrait le devenir !
Yann Verdo, « Clonage : vingt ans après la brebis,
l’homme ? », Les Echos.fr,
janvier 2016.
1. Blastocyste : stade précoce du
développement embryonnaire.
2. Cellules iPS : cellules souches
générées en laboratoire à partir de cellules somatiques.
Document 2 :
Illustration sur le clonage humain, japanus.makes.org
Document 3 :
Clonage humain et éthique sont-ils compatibles ?
Avec les problèmes techniques qui accompagnent le
clonage se posent les questions éthiques. Si le clonage reproductif humain est
condamné, presque à l’unanimité, le clonage thérapeutique suscite lui de vives
controverses : vertigineuse opportunité thérapeutique ou intolérable
exploitation de la vie ? On touche en effet ici un point sensible au carrefour
des préoccupations religieuses, bioéthiques et médicales : le statut de
l’embryon humain. À partir de quand peut-on le considérer comme une personne ?
Porte-t-on atteinte à la dignité humaine en créant des embryons uniquement à
des fins thérapeutiques ?
Il est délicat de trouver un consensus à ces questions
qui font écho à des conceptions si intimes de la vie. L’hétérogénéité des lois
entre pays en témoigne. En France, malgré les avis favorables au clonage
thérapeutique de l’Académie des sciences et du Comité Consultatif National
d’Éthique, une loi interdisant toute forme de clonage humain a été votée par le
Sénat en janvier 2003. Son examen par l’Assemblée nationale en deuxième lecture
est prévu pour fin mars.
Quel serait le statut civil d’un clone humain ?
Du point de vue du droit, il serait l’enfant de la
femme qui l’aurait mis au monde et de l’homme qui l’aurait reconnu. Mais la
question de la filiation biologique des clones humains resterait pour le moins
problématique ! Ni frère, ni fils, ni même jumeau…
La question se complique quand on prend conscience
qu’un clone pourrait avoir cinq mères : la mère donneuse de l’ovocyte, la mère
donneuse du noyau, la mère porteuse, la mère qui élèverait l’enfant et la mère
génétique*. Ces relations de parenté totalement redéfinies ne devraient pas
pour autant voler aux clones leur nature humaine. La question du statut des
clones humains reste heureusement fictive, car les problèmes techniques et
éthiques qui s’y ajoutent rendent aujourd’hui inacceptable d’autoriser le
clonage reproductif humain.
* un individu issu d’une fécondation hérite d’un lot de chromosomes paternels amenés par le spermatozoïde et d’un lot de chromosomes maternels présents dans l’ovocyte. Il possède donc la moitié du patrimoine génétique de chacun de ses parents. La femme qui possède la moitié de ses chromosomes en commun avec un clone n’est pas la mère donneuse du noyau, mais la mère de celle-ci. Cette femme peut donc être considérée comme la mère génétique du clone.
« Clonage :
quels risques ? » Science
actualités.fr, février 2003.
Document
4 :
Les vrais jumeaux sont-ils des clones ? Oui, si
l’on se limite à la définition du clone comme double génétiquement identique.
Les vrais jumeaux sont même de ce point de vue plus proches qu’un animal cloné
en laboratoire et sa copie. Les vrais jumeaux ou jumeaux monozygotes
proviennent de la division d’un même ovule fécondé par un spermatozoïde. Ils possèdent
donc le même génome, contrairement aux jumeaux dizygotes issus de deux ovules
distincts. Les patrimoines génétiques de ces derniers sont aussi
différents qu’entre frère et sœur.
Les animaux clonés comme la brebis Dolly, eux, ont un
matériel génétique légèrement différent de leur modèle, car ils ne possèdent
pas le même ADN mitochondrial, un ADN situé à l’extérieur du noyau des
cellules, contrairement à l’ADN principal. En effet, le clonage consiste à
remplacer le noyau d’un ovule par celui d’une cellule de l’individu à cloner.
C’est donc l’ADN principal de ce dernier qui est transmis, et non l’ADN
mitochondrial. Après stimulation électrique, l’ovule forme un embryon. Il
est ensuite placé dans l’utérus d’une femelle qui donnera naissance à un clone
imparfait.
Les chercheurs ont constaté que les animaux
clonés tendent à développer plus de différences entre eux que les animaux issus
de grossesses gémellaires. Pourtant, les jumeaux monozygotes sont loin d’être
identiques à 100 %. En cause, les mutations qui se produisent dans l’ADN de
chacun des embryons lors des premières divisions cellulaires. Elles peuvent
induire des différences physiques (un grain de beauté ou la couleur des yeux)
ou condamnent parfois un jumeau à une maladie génétique comme la trisomie 21 ou
le diabète alors que l’autre reste en bonne santé. L’expression de leurs gènes
ainsi que leur apparence vont aussi naturellement diverger en fonction de leur
environnement : régime alimentaire, niveau de stress, pollution, etc. Quant aux
différences intellectuelles et psychologiques, elles se modèlent à partir de
l’expérience personnelle.
Malgré toutes ces nuances, les jumeaux monozygotes
sont les êtres les plus semblables qui existent. La probabilité que des frères
et sœurs classiques se ressemblent autant génétiquement est nulle, car lors de
la production des gamètes (ovules et spermatozoïdes), les gènes portés par les
paires de chromosomes s’échangent de façon aléatoire. Résultat : chaque gamète
est génétiquement différent. Impossible de concevoir successivement deux êtres
humains au patrimoine génétique identique, c’est ce qui fait que chacun de nous
est unique.
« Les vrais jumeaux sont-ils des
clones ? », Ça m’intéresse.fr
Écriture personnelle :
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