dimanche 21 octobre 2018

Le Grand cahier


[L’histoire se déroule durant la Seconde Guerre mondiale en Hongrie. Les héros, deux jumeaux, sont inséparables. Leur père est au front. Pour leur épargner les bombardements sur la grande ville, leur mère les confie à leur grand-mère, à la campagne.]

 

Chez Grand-Mère, il n'y a pas de papier, ni de crayon. Nous allons en chercher dans le magasin qui s'appelle : « Librairie-Papeterie ». Nous choisissons un paquet de papier quadrillé, deux crayons et un grand cahier épais. Nous posons tout cela sur le comptoir face au gros monsieur qui se tient derrière. Nous lui disons :
– Nous avons besoin de ces objets, mais nous n'avons pas d'argent.
Le libraire dit :
– Comment ? Mais… il faut payer.
Nous répétons :
– Nous n'avons pas d'argent, mais nous avons absolument besoin de ces objets.
Le libraire dit :
– L'école est fermée. Personne n'a besoin de cahiers ni de crayons…
Nous disons :
– Nous faisons l'école chez nous. Tout seuls, nous-mêmes.
– Demandez l'argent à vos parents.
– Notre Père est au front et notre Mère est restée à la Grande Ville. Nous habitons chez notre Grand-Mère, elle n'a pas d'argent non plus.
Le libraire dit :
– Sans argent vous ne pouvez rien acheter.
Nous ne disons plus rien, nous le regardons. Il nous regarde aussi. Son front est mouillé de transpiration. Au bout d'un certain temps, il crie :
– Ne me regardez pas comme ça ! Sortez d'ici !
Nous disons :
– Nous sommes disposés à effectuer quelques travaux pour vous en échange de ces objets. Arroser votre jardin, par exemple, arracher les mauvaises herbes, porter des colis…
Il crie encore :
– Je n'ai pas de jardin ! Je n'ai pas besoin de vous ! Et d'abord, vous ne pouvez pas parler normalement ?
– Nous parlons normalement.
– Dire à votre âge : « disposés à effectuer », c'est normal, ça ?
– Nous parlons correctement.
– Trop correctement, oui. Je n'aime pas du tout votre façon de parler ! Votre façon de me regarder non plus ! Sortez d'ici !
Nous demandons :
– Possédez-vous des poules, monsieur ?
Il tapote son visage blanc avec un mouchoir blanc.
Il demande sans crier :
– Des poules ? Pourquoi des poules ?
– Parce que si vous n'en possédez pas, nous pouvons disposer d'une certaine quantité d'œufs et vous les apporter en échange de ces objets qui nous sont indispensables.
Le libraire nous regarde, il ne dit rien.
Nous disons :
– Le prix des œufs augmente de jour en jour. En revanche, le prix du papier et des crayons…
Il jette notre papier, nos crayons, notre cahier vers la porte et hurle :
– Dehors ! Je n'ai pas besoin de vos œufs ! Prenez tout ça, et ne revenez plus !
Nous ramassons les objets soigneusement et nous disons :
– Nous serons pourtant obligés de revenir quand nous n'aurons plus de papier ou que nos crayons seront usés.

Agota Kristof, Le Grand cahier, 1986.

1) Le narrateur est-il présent dans le texte et dans l’histoire ?
2) Pourquoi doit-on dire qu’il s’agit d’une scène ?
3) En quel style est rapporté le dialogue ?
4) Y a-t-il une description dans cet extrait ? Y a-t-il des éléments descriptifs ? Sont-ils nombreux ? Pourquoi ?
5) Pourquoi le commerçant se met-il en colère ?
6) En quoi son attitude contraste-t-elle avec celle des jumeaux ?
7) Pourquoi n’y a-t-il ni figures de style, ni incises, ni phrases longues ?
8) Quel est le temps du récit ? Pourquoi ?
9) Quelle idée ce passage nous donne-t-il des jumeaux ?
10) Quelle impression a voulu produire l’auteur ?

vendredi 19 octobre 2018

Contrôle 1

1) Séparez les propositions et indiquez leur nombre et leur nature dans les phrases suivantes :

1. J'espère qu'il fera beau demain car je dois aller voir Clara qui habite à la campagne.
2. Le président de la République a vu deux poids-lourds du gouvernement, Nicolas Hulot et Gérard Collomb, quitter le navire dans le fracas et la confusion.
3. L'histoire est racontée à la première personne par Frank Chambers, un jeune vagabond qui fait une halte dans un restaurant de Californie pour un repas, et qui finit par y travailler.
4. L'équipe de France a perdu le match, elle s'en remettra, corrigera ses erreurs, se préparera intensément, finira par arracher la victoire. 

2) Grâce à quel arrangement Katz obtient-il six mois avec sursis pour Cora ? 

3) Quels obstacles s'opposent à Frank et Cora jusqu'à la décision du tribunal et comment réussissent-ils à les supprimer ?

4) Qu'est-ce qu'une scène dans un récit ? Définissez et donnez un exemple. 

5) Quels sont les trois points de vue possibles dans un récit ? Définissez-les et donnez un exemple de deux points de vue différents.

 

dimanche 14 octobre 2018

méthode du commentaire (1)

Voici un texte à commenter (sujet de bac) :

Texte B : Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, chapitre XIV, 1913.

[Enfant, Meaulnes avait rêvé d'une jeune fille inconnue dont il ne voyait pas le visage. Devenu adolescent, il découvre après une longue errance à travers roseaux et forêts, un château mystérieux animé par une fête tout entière dédiée aux enfants.]

Il entra dans une pièce silencieuse qui était une salle à manger éclairée par une lampe à suspension. Là aussi c’était fête, mais fête pour les petits enfants.
Les uns, assis sur des poufs, feuilletaient des albums ouverts sur leurs genoux ; d’autres étaient accroupis par terre devant une chaise et, gravement, ils faisaient sur le siège un étalage d’images ; d’autres, auprès du feu, ne disaient rien, ne faisaient rien, mais ils écoutaient au loin, dans l’immense demeure, la rumeur de la fête.
Une porte de cette salle à manger était grande ouverte. On entendait dans la pièce attenante jouer du piano. Meaulnes avança curieusement la tête. C’était une sorte de petit salon-parloir ; une femme ou une jeune fille, un grand manteau marron jeté sur ses épaules, tournait le dos, jouant très doucement des airs de rondes ou de chansonnettes. Sur le divan, tout à côté, six ou sept petits garçons et petites filles rangés comme sur une image, sages comme le sont les enfants lorsqu’il se fait tard, écoutaient. De temps en temps seulement, l’un d’eux, arc-bouté sur les poignets, se soulevait, glissait à terre et passait dans la salle à manger : un de ceux qui avaient fini de regarder les images venait prendre sa place.
Après cette fête où tout était charmant, mais fiévreux et fou, où lui-même avait si follement poursuivi le grand pierrot1, Meaulnes se trouvait là plongé dans le bonheur le plus calme du monde.
Sans bruit, tandis que la jeune fille continuait à jouer, il retourna s’asseoir dans la salle à manger, et, ouvrant un des gros livres rouges épars sur la table, il commença distraitement à lire.
Presque aussitôt un des petits qui étaient par terre s’approcha, se pendit à son bras et grimpa sur son genou pour regarder en même temps que lui ; un autre en fit autant de l’autre côté. Alors ce fut un rêve comme son rêve de jadis. Il put imaginer longuement qu’il était dans sa propre maison, marié, un beau soir, et que cet être charmant et inconnu qui jouait du piano, près de lui, c’était sa femme…

1. Lors de la fête, un personnage déguisé en Pierrot, joue à effrayer les enfants.

Commentaire
Vous commenterez le texte B tiré du roman d'Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes :


1. Vous ne devez pas vous contenter de répéter le texte.
2. Vous devez trouver ce que l'auteur a voulu faire sentir ou penser, quelle émotion ou quelle idée il a voulu nous communiquer. Et quels moyens (procédés) il a utilisés pour le faire. 
3. Vous trouvez deux mots clés (ou deux thèmes) qui représentent bien le texte selon vous. Exemple : musique. (Le mot clé peut être un sentiment, une chose, une situation, un personnage, une tonalité, une action, etc.)
4. Vous trouvez tous les passages du texte où le thème apparaît.
5. Vous trouvez ce que le texte veut faire comprendre ou ressentir à propos de ce mot (ou thème). Comment le thème est-il traité ? Exemple : de quelle musique s'agit-il ? Quel effet produit-elle ?
6. Vous cherchez les procédés qui sont en rapport avec ce mot (ou thème). Exemple : le point de vue subjectif de Meaulnes. 

mardi 9 octobre 2018

procédés narratifs dans "Le Corbeau et le renard"

Le Corbeau et le renard
       

       Maître Corbeau, sur un arbre perché,
           Tenait en son bec un fromage.
       Maître Renard, par l'odeur alléché,
           Lui tint à peu près ce langage :
       Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
    Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
           Sans mentir, si votre ramage
           Se rapporte à votre plumage,
     Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie,
           Et pour montrer sa belle voix,
   Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
   Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
              Apprenez que tout flatteur
     Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
   Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.
           Le Corbeau honteux et confus
   Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.


La Fontaine, Fables, livre I. 

Justifiez vos réponses aux questions suivantes :

1) Scène, sommaire ou description ?
2) Récit à la première ou à la troisième personne ?
3) Narrateur absent ou présent dans l'histoire ? Absent ou présent dans le texte ?
4) Point de vue subjectif, omniscient ou extérieur ? 
5) Temps du récit ?
6) Style du dialogue ? 
7) Indices d'énonciation ?

samedi 6 octobre 2018

Si c'est un homme de Primo Levi


Travail de lecture
Relevez au minimum sept citations du livre sur chacun des thèmes suivants. Vous indiquerez le chapitre et vous noterez la citation (ou le début et la fin du passage). 
1) la déshumanisation :
2) le grotesque, la dérision, l’absurde :
3) la solidarité, la chaleur humaine :
4) l’organisation : topographie et hiérarchie :
5) la loi et l’arbitraire :
6) les dangers, l’insécurité :
7) le travail :
8) comportement de survie :
9) économie :
10) nationalités :

mercredi 3 octobre 2018

Exemples de points de vue narratifs

1) Exemple du point de vue subjectif (point de vue d'un personnage) :

Dans Le facteur le point de vue est toujours subjectif, c'est celui de Frank puisqu'il est le narrateur.

2) Exemple du point de vue omniscient : 

Texte A - Honoré de Balzac, Illusions perdues, 2ème partie, 1836-1843.
 [Jeune homme idéalement beau, Lucien quitte la ville d'Angoulême en compagnie de sa protectrice, Madame de Bargeton, pour aller chercher à Paris la gloire littéraire. Il y perdra vite ses illusions, comme ici, lors de sa première sortie au théâtre.] 
  [...] Le plaisir qu'éprouvait Lucien, en voyant pour la première fois le spectacle à Paris, compensa le déplaisir que lui causaient ses confusions1. Cette soirée fut remarquable par la répudiation2 secrète d'une grande quantité de ses idées sur la vie de province. Le cercle s'élargissait, la société prenait d'autres proportions. Le voisinage de plusieurs jolies Parisiennes si élégamment, si fraîchement mises, lui fit remarquer la vieillerie de la toilette de Mme de Bargeton, quoiqu'elle fût passablement ambitieuse : ni les étoffes, ni les façons, ni les couleurs n'étaient de mode. La coiffure qui le séduisait tant à Angoulême lui parut d'un goût affreux comparée aux délicates inventions par lesquelles se recommandait chaque femme. – Va-t-elle rester comme ça ? se dit-il, sans savoir que la journée avait été employée à préparer une transformation. En province il n'y a ni choix ni comparaison à faire : l'habitude de voir les physionomies leur donne une beauté conventionnelle. Transportée à Paris, une femme qui passe pour jolie en province, n'obtient pas la moindre attention, car elle n'est belle que par l'application du proverbe : Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Les yeux de Lucien faisaient la comparaison que Mme de Bargeton avait faite la veille entre lui et Châtelet3. De son côté, Mme de Bargeton se permettait d'étranges réflexions sur son amant. Malgré son étrange beauté, le pauvre poète n'avait point de tournure4.
  Sa redingote5 dont les manches étaient trop courtes, ses méchants gants de province, son gilet étriqué, le rendaient prodigieusement ridicule auprès des jeunes gens du balcon : Madame de Bargeton lui trouvait un air piteux. [...]
1.Confusions : maladresses, embarras. 2. Répudiation : abandon. 3. Châtelet : le baron du Châtelet. Mme de Bargeton le préférera à Lucien.
4. Tournure : allure, élégance.
5. Redingote : veste de soirée.

Dans ce texte, le narrateur nous dit les pensées de Lucien et de Mme de Bargeton. On a donc un point de vue omniscient. Le narrateur sait tout de chaque personnage.