Faire un commentaire
Au bac de français, le commentaire de texte est l'une des trois options proposées.
Le texte fait environ 20 à trente lignes. Il s'agit de produire un commentaire de trois pages environ.
L'introduction présente le texte (auteur, époque, genre littéraire, personnages, histoire, situation narrative, etc.).
Le développement se compose de deux à trois parties. Chacune montre comment un aspect du texte est traité.
Il s'agit de se demander quels effets veut produire l'auteur :
- Faire penser (quoi ?)
- Émouvoir (quelle émotion susciter ?)
- Rendre sensible une réalité (laquelle ?)
Ensuite il faut chercher quels moyens utilise l'auteur pour produire ces effets, c'est-à-dire quels procédés ou techniques d'écriture il utilise.
Par exemple, si l'auteur veut faire rire ou amuser, il va utiliser ce genre de procédés : la répétition, le quiproquo, l'exagération, le jeu de mots, le comique de geste, etc.
On peut distinguer deux sortes de procédés :
- Les procédés de fiction ou de pensée (le contenu)
- Les procédés d'écriture (la forme)
Les procédés d'écriture sont les ressources de la langue et du genre littéraire du texte : vocabulaire, syntaxe, figures de style, rythme et sonorités, point de vue narratif, etc.
Il y a un grand poète et écrivain américain, Edgar Poe, qui a fait le commentaire de l'un de ses plus célèbres poèmes. Cela nous donne un exemple de ce qu'est un commentaire. Il explique qu'il voulait faire un poème très beau. Il a donc choisi de traiter un sujet triste car la tristesse est plus belle que d'autres sentiments. Il a choisi le sujet le plus triste qui soit : la mort d'une belle femme pleurée par son amant. Il voulait utiliser un refrain car la répétition est lyrique et elle renforce l'émotion. Il a choisi comme refrain les mots : "Never more". Ensuite il s'est demandé qui répéterait le refrain. Il a éliminé les humains parce que la répétition d'une même expression serait ridicule pour un être intelligent. Il a éliminé le perroquet, trop trivial, et il a choisi un corbeau, oiseau réputé de mauvais augure et dont la noirceur s'accorde avec le deuil.
Voici ce qu'il dit ensuite :
"J’avais dès lors à combiner ces deux idées : un amant pleurant sa
maîtresse défunte, et un corbeau répétant continuellement le mot Jamais plus.
Il fallait les combiner, et avoir toujours présent à mon esprit le
dessein de varier à chaque fois l’application du mot répété ; mais le
seul moyen possible pour une pareille combinaison était d’imaginer
un corbeau se servant du mot dont il s’agit pour répondre aux questions
de l’amant. Et ce fut alors que je vis tout de suite toute la facilité
qui m’était offerte pour l’effet auquel mon poëme était suspendu,
c’est-à-dire l’effet à produire par la variété dans l’application du
refrain. Je vis que je pouvais faire prononcer la première question par
l’amant, — la première à laquelle le corbeau devait répondre : Jamais plus,
— que je pouvais faire de la première question une espèce de lieu
commun, — de la seconde quelque chose de moins commun, — de la troisième
quelque chose de moins commun encore, et ainsi de suite, jusqu’à ce que
l’amant, à la longue tiré de sa nonchalance par le caractère
mélancolique du mot, par sa fréquente répétition, et par le souvenir de
la réputation sinistre de l’oiseau qui le prononce, se trouvât agité par
une excitation superstitieuse et lançât follement des questions d’un
caractère tout différent, des questions passionnément intéressantes pour
son cœur ; — questions, faites moitié dans un sentiment de
superstition, et moitié dans ce désespoir singulier qui puise une
volupté dans sa torture ; — non pas seulement
parce que l’amant croit au caractère prophétique ou démoniaque de
l’oiseau (qui, la raison le lui démontre, ne fait que répéter une leçon
apprise par routine), mais parce qu’il éprouve une volupté frénétique à
formuler ainsi ses questions et à recevoir du Jamais plus toujours attendu une blessure répétée d’autant plus délicieuse qu’elle est plus insupportable."
Et voici les trois dernières strophes du poème traduit par Baudelaire :
« Prophète ! — dis-je, — être de malheur ! oiseau ou démon ! toujours
prophète ! par ce Ciel tendu sur nos têtes, par ce Dieu que tous deux
nous adorons, dis à cette âme chargée de douleur si, dans le Paradis
lointain, elle pourra embrasser une fille sainte que les anges nomment
Lénore, embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges
nomment Lénore. » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »
« Que cette parole soit le signal de notre séparation, oiseau ou
démon ! — hurlai-je en me redressant. — Rentre dans la tempête, retourne
au rivage de la Nuit plutonienne ; ne laisse pas ici une seule plume
noire comme souvenir du mensonge que ton âme a proféré ; laisse ma
solitude inviolée ; quitte ce buste
au-dessus de ma porte ; arrache ton bec de mon cœur et précipite ton
spectre loin de ma porte ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »
Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours installé
sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma
chambre ; et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui
rêve ; et la lumière de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son
ombre sur le plancher ; et mon âme, hors du cercle de cette ombre qui
gît flottante sur le plancher, ne pourra plus s’élever, — jamais plus !
Vous voyez donc que Poe a utilisé plusieurs procédés pour produire un certain effet : le ton de la tristesse, le refrain avec une syllabe finale allongée (more), le dialogue, un personnage animal doué de parole, le crescendo (gradation ascendante) des questions de l'amant endeuillé...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire